vendredi 25 avril 2014

Les 3B sont des andouilles !

mais pas leur prof...
mercredi 17 février 2010

Paris Saint-Germain-des-Prés, Brasserie Lipp - Henri Cartier-Bresson - 1969

Comment témoigner des transformations de la société française ?

« Les photos de Cartier-Bresson ne bavardent jamais. Elles ne sont pas des idées : elles nous en donnent. Sans le faire exprès. » J.P. Sartre

Jamais une époque n’aura autant matérialisé les changements socioculturels au sein des tendances vestimentaires. La mode des années 60 fait en effet rimer progrès et contestation dans une véritable révolution des apparences. L’heure est à la société de consommation : l’industrialisation croissante du travail vestimentaire encourage l’essor du prêt-à-porter face à un secteur de la haute couture en perte de vitesse. C’est d’abord au sein de la jeunesse issue du baby boom que se forge une nouvelle culture vestimentaire, largement inspirée du modèle anglo-saxon. C’est à Londres au début des années 60 que la « mini skirt » fait son apparition, à l’initiative de Mary Quant. La tendance déferle bientôt en France, s’érigeant en symbole de l’indépendance féminine. Contre une mode qui ne distinguait pas les mères de leurs filles, la mode des années 1960 encouragent les audaces.
Leslie Meyzer, magazine ELLE, www.elle.fr

Affiches de Mai 68 illustrant la fracture entre les jeunes et la société française.

L’appareil photographique est pour moi un carnet de croquis, l’instrument de l’intuition et de la spontanéité, le maître de l’instant qui, en termes visuels, questionne et décide à la fois. Pour «signifier» le monde, il faut se sentir impliqué dans ce que l’on découpe à travers le viseur. Cette attitude exige de la concentration, de la sensibilité, un sens de la géométrie. C’est par une économie de moyens et surtout un oubli de soi-même que l’on arrive à la simplicité d’expression.
Henri Cartier-Bresson, L’imaginaire d’après nature.

La photographie et l'Histoire
On nous a demandé de parler ici de photojournalisme, qui prétend raconter "l’histoire en train de se faire", et en particulier de l’apport à cette noble tradition d’un grand photographe, qui s’est trouvé mêlé à des tournants historiques non moins grands. Il est difficile de le faire sans aborder directement la question de l’Histoire, c’est-à-dire non pas la succession de ce qu’il est convenu d’appeler des "événements", mais du rapport de vérité qui existe ou non entre une image choisie et publiée, et l’occasion historique qui l’a engendrée. C’est d’autant plus difficile que lorsqu’on prononce devant ce grand homme les mots "histoire", "témoignage" ou même "documentaire", il n’a de cesse de rétorquer : "hasard objectif ".
Toutes ces photographies qui font date ne seraient donc que les fruits, en somme, d’un concours de circonstances, sans que leur auteur y soit pour rien ?
En ce qui concerne Cartier-Bresson, s’il est bien une chose qu’il s’interdit de faire, alors que tout l’y incite et que tous le pressent, c’est de se poser en témoin de l’Histoire. Ce qui l’intéresse, c’est de connaître. Ce à quoi il s’emploie, c’est à regarder. Si, le cas échéant, le hasard objectif, mais le hasard objectif conçu dans cet état d’esprit, c’est-à-dire dépourvu d’intention, l’a bien servi, alors seulement il déclenche, il "tire".
Photo-journalisme : la leçon oubliée d’Henri Cartier-Bresson - Edgar Roskis

Photographie d'Henri Cartier-Bresson, 1968.

mardi 16 février 2010

Le cuirassé Potemkine - Sergueï Eisenstein - 1925


Comment l’Art peut-il servir le pouvoir ?

Le Cuirassé « Potemkine » est un film soviétique muet réalisé par Sergueï Eisenstein, sorti en 1925. Il traite de la mutinerie du cuirassé Potemkine dans le port d’Odessa en 1905, de l’insurrection et de la répression qui s’ensuivirent dans la ville.
L’événement, qui a lieu pendant la Révolution russe de 1905, est ici vu comme précurseur de la révolution d'Octobre (1917) et est présenté du point de vue des insurgés. Le cuirassé reproduit, dans son équipage, les clivages de la société russe et ses inégalités. L’une des causes de la mutinerie est la question de la nourriture. Les officiers présentés comme cyniques et cruels contraignent l’équipage à consommer de la viande avariée, alors qu’eux-mêmes maintiennent un train de vie privilégié.
La scène la plus célèbre du film est le massacre sur les marches de l’escalier monumental d’Odessa, où des soldats descendent d’une manière rythmée et machinale sur la foule en la bousculant. Le plan d’un landau qui dévale les marches utilise un travelling avant en plongée, façon de filmer révolutionnaire pour l’époque. (Source : Wikipédia)

Le cinéma d’Eisenstein ne peut être détaché du contexte historique dans lequel il s’est développé. Il est indissociable du communisme soviétique des années 20 et 30.
Après la révolution d’octobre 1917, le régime soviétique donne une place importante au cinéma comme moyen de faire adhérer la population au communisme. Lénine déclare : « Le cinéma est pour nous, de tous les arts, le plus important ». C’est ainsi qu’en 1919, le gouvernement bolchévique décide de nationaliser la production cinématographique.
La création cinématographique des années 1920 est marquée par l’enthousiasme révolutionnaire. La consolidation du pouvoir de Staline dans les années 1930 entraîne une radicalisation idéologique et culturelle qui réduit considérablement la liberté de création cinématographique. En 1934, le « réalisme socialiste » devient la doctrine officielle en matière de création artistique. L’artiste soviétique est alors chargé de donner « une représentation véridique, historiquement concrète de la réalité dans son développement révolutionnaire. En outre, il doit contribuer à la transformation idéologique et à l’éducation des travailleurs dans l’esprit du socialisme». Le cinéma soviétique devient alors un véritable instrument de propagande au service du Parti.
De nombreux films mettent en scène des « héros positifs », individus réalisant des exploits exemplaires et qui servent la propagande politique. Source : http://www.arte.tv

Un cinéma de propagande
Eisenstein pratique l’autocensure et s’attelle à offrir un grand spectacle moraliste. Suivant les préceptes du réalisme socialiste, le récit se veut chronologiquement simple et les protagonistes divisés en bons et méchants.
De 2 000 en 1925, l’URSS vit son nombre de salles de projection passer à 28 000 en 1940. Réservé au début à un public urbain éduqué, le cinéma utilisait un « langage » plutôt sophistiqué. Mais pour qu’il soit compris de tous, l’originalité formelle (d’un Potemkine, par exemple) doit céder le pas à un dépouillement technique et à une narration simple. Cette démarche fut connue sous l’appellation de réalisme socialiste. Les règles du genre imposaient de mettre en avant le folklore russe.



Scène des Marches d'Odessa, tirée du film "Le Cuirassé Potempkine" de Eisenstein, 1925.

Verdun - Félix Vallotton - 1917

Comment représenter la Première Guerre mondiale ?

«Je ne crois plus aux croquis saignants, à la peinture
véridique, aux choses vues»
Félix Vallotton


La guerre de 1914-1918 opéra une rupture sans précédent dans l’histoire des manières de combattre : la guerre de mouvement, où deux armées s’affrontaient face à face, laissait place à un conflit de position, enterré, long, presque à distance avec l’utilisation d’armes de longue portée (obus, chars, fusils, mitraillettes…). La masse seule des soldats comptait devant une puissance de frappe détruisant et tuant à grande échelle. Les représentations traditionnelles (portraits individuels de généraux, mêlée des deux armées, champs de bataille, héros en action) ne convenaient plus à cette forme dépersonnalisée de combat : la bravoure individuelle n’était plus de mise ; l’ampleur des aménagements militaires et des destructions engendrait des paysages apocalyptiques. Comme le disait Félix Vallotton, peintre officiel envoyé par l’armée sur le front pour constituer une iconographie de la guerre : «Peindre la guerre aujourd’hui, ce n’est plus peindre des tableaux de bataille».
Jean-Pierre Roux et Pierre Papet
Comment représenter la première guerre mondiale ?
Lycée Charles Poncet – Cluses.

« Dans le cadre des missions d’artistes aux armées, Félix Vallotton (1865-1925) est envoyé en juin 1917 sur le front de l’Est. À la fin de l’année 1917, il entreprend une toile d’assez grand format (115 x 146 cm) intitulée Verdun. Par-delà le témoignage visuel, Vallotton a cherché à donner une image synthétique de la guerre, d’où, c’est remarquable, toute présence humaine a disparu. »
L’Histoire par l’image, François Robichon, Réseau des Musées Nationaux.
http://www.histoire-image.org


« De sa mission en Argonne et à Verdun, Vallotton rapporte la certitude que, s'il demeure possible de peindre les ruines et les paysages du front, la bataille elle-même oppose à l'artiste des
difficultés peut-être insolubles. Quoique membre du groupe des nabis, il demande alors au cubo-futurisme des ressources, le temps d'un tableau absolument singulier dans son oeuvre. (...) Ce seront, conformément au cubo-futurisme dont Vallotton se fait l'adepte éphémère, les triangles et les cônes colorés des trajectoires, les obliques de la pluie, les fumées denses. Il resteles éléments d'un paysage, une perspective, des arbres sur les pentes, mais le centre de la toile est occupé par une composition symbolique, la géométrie des 'forces' antagonistes. »
La couleur des larmes, les peintres devant la Première guerre mondiale.
http://www.art‐ww1.com/fr/visite.html

«Parmi les artistes engagés, certains trouvèrent dans l’esthétique cubiste un moyen d’expression adapté à la représentation de leur expérience sur le front, à leur vécu en tant que combattant et à la vision des espaces, champs, villes, dévastés après la bataille. Face au spectacle du chaos, de la déshumanisation, la représentation naturaliste paraissait trop pauvre : elle ne permettait pas de transmettre la force destructrice des nouvelles armes, ni l’expérience du combattant dans les tranchées. L’art ne pouvait plus être imitatif, il lui fallait des métaphores plastiques plus fortes pour transcrire ce vécu. Le style cubiste, par sa décomposition des formes, ses distorsions de perspectives, ses brisures d’objets, proposait un ensemble de formules plus aptes à évoquer l’ampleur des destructions et les sensations ressenties face au no man’s land des champs de bataille. Le Cubisme rendait possible une transposition plus abstraite de la guerre ; ne plus seulement représenter sa réalité visuelle mais aussi exprimer par des transpositions parlantes l’expérience particulière des soldats.»
Jean-Pierre Roux et Pierre Papet
Comment représenter la première guerre mondiale ?
Lycée Charles Poncet – Cluses.

Verdun, tableau de guerre interprété, projections colorées noires, bleues et rouges, terrains dévastés, nuées de gaz. Félix Vallotton (1865-1925). Huile sur toile, 1917, (114x146 cm). © Musée de l'Armée, Paris.
lundi 15 février 2010

C’était la guerre des tranchées - Tardi - 1993

Comment représenter la Première Guerre mondiale ?

"Distraire en réveillant les consciences... oui, oui, c'est possible."
Jacques Tardi

Cet album consacré, comme son titre l’indique, à la vie dans les tranchées pendant la Première Guerre mondiale est constitué d’une suite de récits sans autre relation entre eux que la guerre. Ainsi que l’écrit Tardi dans sa préface, « il ne s’agit pas de l’histoire de la Première Guerre mondiale racontée en bande dessinée, mais d’une succession de situations non chronologiques (…). Il n’y a pas de “héros”, pas de “personnage principal”, dans cette lamentable “aventure” collective qu’est la guerre. Rien qu’un gigantesque et anonyme cri d’agonie ».

Une BD au dessin réaliste. L’usage du noir et blanc – les images font parfois penser à des xylographies – installe une sensation physique d’oppression, d’angoisse, qui plonge le lecteur dans « l’ambiance » de la guerre. Ce sentiment est renforcé par la présence de planches entièrement composées d’images sans commentaire ni action, mais qui montrent les paysages dévastés, les duels d’artillerie, les explosions. Ces planches recréent l’impression de chaos mortel et absurde que l’on ressent en regardant les documents filmés d’époque.

Une distanciation permanente : des citations,en particulier celles de partisans fanatiques de la guerre, sont placées en regard d’images qui les rendent absurdes et choquantes. Ainsi apparaît de manière frappante l’écart entre la propagande officielle, la guerre imaginée, fantasmée, forcément héroïque, exemplaire, et la réalité sordide, atroce, vécue dans les tranchées.

La dramatisation du récit et des images permet ainsi de percevoir l’omniprésence de la mort.

Fiches pédagogiques et dossiers d'exploitation pédagogique - Collège
C’était la guerre des tranchées de Tardi. © Casterman.