mardi 16 février 2010

Verdun - Félix Vallotton - 1917

Comment représenter la Première Guerre mondiale ?

«Je ne crois plus aux croquis saignants, à la peinture
véridique, aux choses vues»
Félix Vallotton


La guerre de 1914-1918 opéra une rupture sans précédent dans l’histoire des manières de combattre : la guerre de mouvement, où deux armées s’affrontaient face à face, laissait place à un conflit de position, enterré, long, presque à distance avec l’utilisation d’armes de longue portée (obus, chars, fusils, mitraillettes…). La masse seule des soldats comptait devant une puissance de frappe détruisant et tuant à grande échelle. Les représentations traditionnelles (portraits individuels de généraux, mêlée des deux armées, champs de bataille, héros en action) ne convenaient plus à cette forme dépersonnalisée de combat : la bravoure individuelle n’était plus de mise ; l’ampleur des aménagements militaires et des destructions engendrait des paysages apocalyptiques. Comme le disait Félix Vallotton, peintre officiel envoyé par l’armée sur le front pour constituer une iconographie de la guerre : «Peindre la guerre aujourd’hui, ce n’est plus peindre des tableaux de bataille».
Jean-Pierre Roux et Pierre Papet
Comment représenter la première guerre mondiale ?
Lycée Charles Poncet – Cluses.

« Dans le cadre des missions d’artistes aux armées, Félix Vallotton (1865-1925) est envoyé en juin 1917 sur le front de l’Est. À la fin de l’année 1917, il entreprend une toile d’assez grand format (115 x 146 cm) intitulée Verdun. Par-delà le témoignage visuel, Vallotton a cherché à donner une image synthétique de la guerre, d’où, c’est remarquable, toute présence humaine a disparu. »
L’Histoire par l’image, François Robichon, Réseau des Musées Nationaux.
http://www.histoire-image.org


« De sa mission en Argonne et à Verdun, Vallotton rapporte la certitude que, s'il demeure possible de peindre les ruines et les paysages du front, la bataille elle-même oppose à l'artiste des
difficultés peut-être insolubles. Quoique membre du groupe des nabis, il demande alors au cubo-futurisme des ressources, le temps d'un tableau absolument singulier dans son oeuvre. (...) Ce seront, conformément au cubo-futurisme dont Vallotton se fait l'adepte éphémère, les triangles et les cônes colorés des trajectoires, les obliques de la pluie, les fumées denses. Il resteles éléments d'un paysage, une perspective, des arbres sur les pentes, mais le centre de la toile est occupé par une composition symbolique, la géométrie des 'forces' antagonistes. »
La couleur des larmes, les peintres devant la Première guerre mondiale.
http://www.art‐ww1.com/fr/visite.html

«Parmi les artistes engagés, certains trouvèrent dans l’esthétique cubiste un moyen d’expression adapté à la représentation de leur expérience sur le front, à leur vécu en tant que combattant et à la vision des espaces, champs, villes, dévastés après la bataille. Face au spectacle du chaos, de la déshumanisation, la représentation naturaliste paraissait trop pauvre : elle ne permettait pas de transmettre la force destructrice des nouvelles armes, ni l’expérience du combattant dans les tranchées. L’art ne pouvait plus être imitatif, il lui fallait des métaphores plastiques plus fortes pour transcrire ce vécu. Le style cubiste, par sa décomposition des formes, ses distorsions de perspectives, ses brisures d’objets, proposait un ensemble de formules plus aptes à évoquer l’ampleur des destructions et les sensations ressenties face au no man’s land des champs de bataille. Le Cubisme rendait possible une transposition plus abstraite de la guerre ; ne plus seulement représenter sa réalité visuelle mais aussi exprimer par des transpositions parlantes l’expérience particulière des soldats.»
Jean-Pierre Roux et Pierre Papet
Comment représenter la première guerre mondiale ?
Lycée Charles Poncet – Cluses.

Verdun, tableau de guerre interprété, projections colorées noires, bleues et rouges, terrains dévastés, nuées de gaz. Félix Vallotton (1865-1925). Huile sur toile, 1917, (114x146 cm). © Musée de l'Armée, Paris.